Entretien avec François Grolier, responsable de la formation au Centre Hubertine Auclert

photo François Grolier

François Grolier, responsable de la formation au Centre Hubertine Auclert, conçoit et co-anime des cycles de formations et des séances de sensibilisation sur la thématique de l’égalité femmes-hommes avec les expertes thématiques du centre. Il coordonne l’activité de formation afin de proposer des contenus de formation les plus adaptés aux besoins des membres.

Pouvez-vous vous présenter et expliquer ce qui vous a conduit à devenir responsable de la formation au Centre ?

François Grolier (FG) : Avant de rejoindre l’équipe du Centre Hubertine Auclert, j’ai travaillé dans différentes associations d’éducation populaire et de solidarité internationale. J’ai assuré le suivi et l’accompagnement de volontaires expatrié·es sur les continents Sud-Américain, Africain et Asiatique. Un des enjeux était de travailler à développer des missions les plus qualitatives possibles, pour les volontaires, mais aussi et surtout pour les partenaires sur les territoires. J’étais donc parmi celles et ceux qui concevaient et animaient des stages de formation au départ et lors du retour des volontaires.

Dans les derniers temps, j’ai notamment pu participer à lancer une approche genre du développement des missions, de l’accompagnement des volontaires et une réflexion autour de la prévention et l’action en cas de violences sexistes et sexuelles pendant les missions. Je souhaitais donner une place plus grande aux enjeux relatif au genre, tout en restant dans le domaine de la formation, ce qui m’a conduit au Centre.

Quelles sont vos missions principales et les formations proposées aux collectivités ?

(FG) : Je travaille, en articulation avec chacune des expertes thématiques du Centre, afin de proposer des contenus de formation les plus adaptés aux besoins de nos membres. Pour les collectivités, nous avons notamment un premier parcours de formation, à destination d’élu·es et d’agent·es en charge de l’égalité, qui se compose de trois sessions de formations.

  • Dans un premier temps, la formation « Convaincre du bien-fondé des politiques locales », permet de découvrir le sujet, de voir la réalité des inégalités à l’échelle d’un territoire et les possibilités d’action existantes pour travailler à les réduire. Cette formation vise aussi à outiller les participant·es à être des relais au sein des collectivités, pour faire comprendre l’intérêt d’une approche genrée des politiques publiques. Elles et ils pourront ensuite entraîner les services et leurs collègues dans des actions collectives en faveur de l’égalité.
  • Le deuxième pan, « Agir efficacement contre les violences faites aux femmes au niveau local », outille ce même public à comprendre les mécanismes des violences faites aux femmes et les cadres d’action des collectivités pour lutter contre. Il s’agit-là de penser en termes de politique publique et d’ébaucher des actions concrètes pour un meilleur maillage territorial, une sensibilisation de tous et·toutes les agentes et une information des habitant·es.
  • Enfin, le troisième volet, « Planifier, conduire et évaluer une politique locale d’égalité », vise à accompagner les agent·es et élu·es dans une action très concrète. Ces deux jours de formation alternent des temps de diagnostic, de compréhension des enjeux, de définition d’action et d’expérimentation de méthodes d’évaluation, pour donner un maximum de clés, les plus pratiques possibles, pour élaborer un plan d’action.

D’autres formations sont également proposées, pour aller dans le sens d’une action la plus intégrée possible, sur des secteurs spécifiques, comme le management ou la politique de la ville.

Mes missions consistent également à coordonner toute l’activité de formation, répondre aux demandes et animer un collectif de travail et d’échanges de pratiques, entre formatrices et formateurs de l’équipe. L’idée est que nous puissions partager des outils, échanger sur des expériences, tester notre posture face aux groupes, dans une perspective d’amélioration constante de nos pratiques de formation.

Former un groupe implique en effet de s’adapter à une dynamique, à des habitudes, à des niveaux d’appréhension très différents d’une personne à l’autre. Nous nous outillons donc collectivement à adapter nos discours pour que chacun·e, de la chargée de mission égalité, déjà très au fait des sujets, aux autres agent·es plus éloigné·es, y trouve son intérêt et puisse voir comment avancer dans son secteur. Ces espaces de réflexion collectifs sont précieux pour être les plus impactant·es possibles lors des sessions.

Comment se déroule la construction d’une formation à destination des collectivités, de la demande initiale jusqu’à la réalisation ?

(FG) : Nous proposons deux formats :

  • Des formations en inter, qui se déroulent dans nos locaux, entre plusieurs collectivités, pour s’outiller, échanger sur des pratiques et sortir d’un potentiel isolement dans lequel peuvent se trouver certain·es chargé·es de mission égalité dans les collectivités.
  • Des formations en intra, nous nous rendons dans la collectivité commanditaire pour former un groupe de personnes sur une thématique particulière, et accompagner un changement d’échelle en s’adaptant aux enjeux propres d’un territoire.

Sur la conception, il y a plusieurs scénarii. Si je prends l’exemple de notre formation « Prévenir et lutter contre les violences sexistes et sexuelles au travail en tant que collectivité employeuse », nous sommes parti·es de la loi de transformation de la fonction publique territoriale, imposant la mise en place d’une cellule de signalement des cas de violences. Cette évolution légale nous a amené·es à créer un outil pratique à proposer aux collectivités et son pendant pédagogique – une formation afin que les professionnel·les soient les mieux outillé·es pour mettre en œuvre ce dispositif. Notre approche pédagogique articule « le comprendre à l’agir », car comment emmener les personnes à développer un dispositif efficace et pertinent, si la réalité à laquelle elles et ils doivent répondre n’est pas maîtrisée.

Nous concevons également des contenus suite à une veille poussée sur des enjeux d’actualité et en lien avec des outils produits par le Centre.

Quelles sont les spécificités des formations à destination des collectivités, et les évolutions qui ont eu lieu depuis que vous êtes en poste ?

(FG) : Depuis mon arrivée et en articulation avec chacune des expertes thématiques, nous avons renforcé, dans nos échanges avec les collectivités, l’idée de parcours de formation. J’ai parlé plus haut du parcours collectivités, mais nous avons aussi des parcours pour les animateurs et animatrices de centres de loisirs, couplant un temps de sensibilisation de toutes les équipes à un second temps de formation d’un groupe de volontaires qui seront, par la suite, invité·es à être référent·es dans leurs structures sur la thématique. Cette entrée par parcours permet aussi de rendre compte d’étapes dans l’acquisition des connaissances, dans la formalisation des compétences et dans la mise en œuvre d’action.

Nous avons également développé plus nettement la formation des élu·es, parce qu’il nous semble évident que si le politique n’est pas sensibilisé et n’impulse pas la dynamique auprès des services, cela rend le travail plus difficile pour les chargé·es de mission et complexifie l’appréhension par les services, en perspective d’une action réellement intégrée. Parmi les nouveautés également, outre les temps d’échanges de pratiques entre formateurs et formatrices du Centre mentionnés précédemment, il y a clairement eu un accroissement du nombre de formations proposées par nos équipes aux collectivités, que ce soit en termes de nouvelles thématiques couvertes ou de nombre de collectivités formées.

Nous ne souhaitons pas former sans objectif de changement structurel. Il est donc très important pour l’équipe de formation du Centre que les demandes des collectivités soient liées à des états des lieux clairs, à des diagnostics objectivés et donc à des besoins clairement identifiés. C’est aussi notre fonction d’accompagner l’identification de ces besoins. L’idée étant pour nous de répondre autant que possible aux collectivités, tout en proposant des contenus de qualité adaptés aux enjeux de l’égalité de genre, pour atteindre un réel changement des pratiques sur le terrain.