Nicolas Sarkozy vient de s'éclipser. Vexé par sa cuisante défaite, il a remisé promesses et coups de menton virils. Comment lui, ancien ministre de l'Intérieur, ancien ministre de l'Économie, s'est-il laissé battre par une adversaire en tailleur blanc ? En ce dimanche 6 mai 2007. Ségolène Royal vient d'être élue présidente de la République. Fleurs et confettis tourbillonnent dans l'air revivifié et les télés du monde entier filment cette énième Révolu­tion française. Dans les rues, la foule s'embrasse, incrédule d'avoir porté la première femme à l'Elysée. Aujourd'hui, le sourire et la grâce sont les sésames de l'arène politique. À la recherche d'un geste à la hauteur de ce retournement historique, Ségolène Royal annonce, lors d'une conférence de presse en ligne, une visite-surprise fixée au lendemain. Non, elle ne traversera pas Paris, tel Jacques Chirac en 1995, à bord d'une CX Prestige. Posture trop masculine, trop éloignée du bon peuple. Elle ne suivra pas non plus les pas d'un François Mitterrand solennel sous le dôme du Pan­théon, s'inclinant devant les tombes de grands hommes, Jean Jaurès ou Jean Moulin. De son mentor, elle conservera la rose, mais elle optera pour la voiture électrique et filera plutôt à l'Arc de Triomphe. Un hommage au Soldat inconnu ? Pas exactement Féministe de coeur et de raison, Ségolène Royal veut dédier sa victoire aux femmes du MLF. Le 26 août 1970, une douzaine d'entre elles déposaient une gerbe sur cette tombe symbolique : «Il y a plus inconnu que le Soldat inconnu : sa femme», déroulait une banderole au vent. Avec ironie, le MLF était né. Trente-sept ans plus tard, Ségolène Royal, présidente de la République, donne raison à tous les prophètes qui entrevoyaient dans leur boule de cristal un XXIe siècle féminin. Par ce retour à l'Arc de Triomphe, le sexe qu'on dit faible parachève sa souveraineté. La boucle serait-elle si bien bouclée ?